Le trouble anormal de voisinage, quel impact sur la valeur d’un bien immobilier ? Le rôle de l’expert ?
Introduction :
Souvent méconnue du grand public, la notion de trouble anormal de voisinage se révèle incontournable pour chiffrer la perte de valeur vénale d’un bien liée à l’apparition de nuisances quelles qu’elles soient ; l’intervention d’un expert immobilier peut dès lors s’avérer (payante) pertinente :
- Qu’est-ce qu’un trouble anormal de voisinage ?
- Quels sont les troubles de voisinage ?
- Comment un trouble anormal de voisinage peut-il générer une perte de valeur vénale d’un bien immobilier ?
- Pourquoi faire appel à un expert immobilier dans le cadre d’un trouble anormal de voisinage ?
- Qu’est ce qu’un trouble anormal de voisinage ?
Le trouble anormal de voisinage est une notion évoquée par la jurisprudence suivant laquelle « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage »
Le fondement du trouble anormal de voisinage peut être associé aux articles 544, 1240 et 1241 du Code Civil.
Article 544 du Code Civil :
«La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements».
Article 1240 du Code Civil :
«Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer».
Article 1241 du Code Civil :
«Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence».
Il y a préjudice dès lors que le trouble causé dépasse, par ses différents aspects, les inconvénients normaux du voisinage, ce qui ouvre un droit à indemnité même si l’auteur n’a commis aucune faute ; la victime peut également obtenir réparation de la part de l’auteur du trouble.
C’est le caractère anormal de la nuisance ou des nuisances subies qui permet au juge de sanctionner l’auteur et d’indemniser la victime ; l’anormalité est appréciée en fonction de sa gravité et de sa durée.
Le délai de prescription d’une action en responsabilité au motif du trouble anormal de voisinage est celui de l’article 2224 du code civil et donc de cinq ans.
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »
Concrètement, il faut pouvoir démontrer que le trouble gêne les bonnes relations de voisinage.
2. Quels sont les troubles de voisinage ? Le rôle de l’expert immobilier :
Des troubles anormaux de voisinage recoupent une multitude de situations caractérisées par des nuisances excessives portant atteinte à la tranquillité et pouvant gêner les bonnes relations de voisinage.
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- Nuisances sonores : bruit anormal, tapage nocturne, tapage diurne, aboiements, chantier voisin ;
- Nuisances olfactives, odeurs ;
- Nuisances visuelles : atteinte à l’esthétique de l’environnement, perte de luminosité, perte de vue, perte ou manque d’ensoleillement, perte d’intimité.
La Cour de Cassation a été amenée à plusieurs reprises à se pencher sur la notion de trouble anormal de voisinage.
Les exemples ci-après peuvent être évoqués :
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- Dans un Arrêt de la Troisième Chambre Civile, rendu le 9 mai 2001, la Cour de Cassation énonce que la construction d’un ensemble immobilier sur un terrain auparavant planté de vignes, nonobstant la conformité aux règles d’urbanisme, peut constituer un trouble anormal du voisinage.
- Un Arrêt rendu par la Deuxième Chambre Civile en janvier 1969, énonce que peuvent être appréhendés comme des troubles anormaux du voisinage, les bruits anormaux provenant d’un appartement.
- Un Arrêt rendu par la Deuxième Chambre Civile le 27 juin 1973 énonce qu’une privation de vue du fait d’une hauteur dommageable d’une construction peut être considérée comme un trouble anormal de voisinage
Dans le cadre d’une construction potentielle pouvant altérer la jouissance une propriété existante, le recours des tiers permet à toute personne justifiant un intérêt de porter un recours envers une autorisation d’urbanisme.
Le tiers intéressé doit dès lors apporter la preuve que le projet va altérer la jouissance de son bien ; cela se matérialise, par exemple, par un rapport d’expertise réalisé par un expert immobilier agréé.
Si l’intérêt à agir n’est pas reconnu, le tiers peut toutefois se voir imposer le versement de dommages et intérêts au bénéficie du porteur du projet de construction.
3. Comment un trouble anormal de voisinage peut-il générer une perte de valeur vénale d’un bien immobilier ?
Lorsqu’un immeuble fait l’objet de nuisances, il apparaît que le préjudice peut être apprécié par rapport à la notion de moins-value subie par le bien. Cette moins-value est calculée en déterminant la valeur vénale de l’immeuble avant et après l’apparition de ce trouble. La différence pouvant alors être considérée comme constituant le préjudice devant être indemnisé.
Un exemple concret : vous êtes propriétaire d’une maison d’habitation et la propriété voisine est cédée, vous découvrez un permis de construire pour un immeuble de plusieurs étages qui vous privera d’ensoleillement et d’intimité avec des appartements donnant directement sur votre jardin ; cela pourrait impacter directement l’agrément de votre maison et donc générer une perte de valeur vénale de votre bien.
Faire appel à un expert immobilier permet de traduire financièrement ce préjudice. En cas de litige, l’expert peut être saisi par le tribunal.
La mission de l’expert va consister dans un premier temps à déterminer la valeur vénale du bien, abstraction faite du trouble ; puis dans un second temps, déterminer la valeur vénale en déduisant l’impact du trouble anormal de voisinage par un système d’abattement.
Voici quelques exemples de trouble anormal de voisinage et d’abattements retenus :
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- Une décision d’un Juge de l’expropriation concernant un préjudice de vue : un chalet situé en station de sport d’hiver bénéficiait sur le terrain voisin d’une servitude non aedificandi lui assurant une vue sur les massifs alentours. A la suite de l’installation d’une gare intermédiaire de téléphérique le privant de la vue, les propriétaires ont obtenu une indemnité calculée par différence entre la valeur vénale avant et après l’installation, fixée par le Juge de l’expropriation à 17%.
- Une maison située en banlieue lyonnaise, gênée par la surélévation d’un bâtiment contigu entraînant une perte d’ensoleillement et des nuisances esthétiques, a vu sa moins-value fixée à 17%.
- La Cour d’appel de Toulouse a fixée, la perte de valeur vénale d’une maison d’habitation à 10 % du fait de la nuisance sonore et esthétique résultant de l’installation d’éoliennes.
- Une propriété implantée en banlieue lyonnaise subissant l’implantation d’une autoroute en bout de parcelle, source d’une nuisance phonique importante, a été vendue 35% en dessous de son prix normal. Il convient de préciser qu’en l’espèce, la nuisance phonique était importante et surtout permanente (jour et nuit) liée au trafic de cette voie.
- Une maison d’habitation gênée par l’implantation d’un immeuble collectif, source d’une nuisance de vue, d’ensoleillement et phonique, a entraîné une moins-value située entre 5 et 10%, le pourcentage moyen de 7,5 % ayant été retenu par l’Expert désigné par le Tribunal.
4. Pourquoi faire appel à un expert immobilier dans le cadre d’un trouble anormal de voisinage ?
Le rôle de l’expert va être de constater les préjudices, la cause des nuisances et dans certains cas arbitrer les troubles causés par la ou les parties ; il pourra après analyse, proposer une solution amiable dans le but d’éviter toute procédure longue et fastidieuse.
Il pourra être appuyé dans cette démarche par des moyens techniques et technologiques ; c’est le cas des drones qui permettent de simuler les vues depuis un immeuble futur par exemple ou encore des études d’ensoleillement consistant à simuler en quelques jours les ombres portées sur un bien immobilier dans diverses configuration à partir d’un logiciel spécialisé ; à noter que ce type d’expertise est valable auprès des tribunaux.
Ces outils permettent à l’expert de consolider son expertise et de valoriser au mieux le ou les troubles pouvant impacter la valeur d’un bien immobilier.
Il existe bien d’autres litiges et situations de conflits de voisinage (abus de droit, droit de passage, problèmes liés à l’existence de servitudes etc). Le trouble anormal de voisinage n’en est qu’un exemple.
Maxence GOUTTENOIRE
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